LES SAINTS VENDREDIS
Ah les chiffres du vendredi !
Ils sont toujours attendus avec beaucoup d’attention.
D’habitude c’est le premier vendredi du mois que la planète finance retient son souffle avec le chiffre le plus important : celui des NFP (non farm payrolls).
Les “non-farm payrolls” sont un indicateur économique clé publié chaque mois aux États-Unis qui mesure le nombre total d’emplois créés (ou perdus) dans l’économie américaine, à l’exclusion des emplois agricoles.
Ce chiffre fournit des informations importantes sur la santé globale du marché du travail américain et sont considérés comme un indicateur clé de la croissance économique.
Pour le NFP, c’est encore deux semaines à attendre. Il sera riche d’enseignement.
Ce vendredi 23, on attendait un chiffre important pour la zone euro : l’indice PMI composite. Celui-ci est un peu plus complexe à analyser !
Traduit en français par « indice des directeurs d’achat » (pour Purchasing Managers’ Index), c’est un indicateur économique utilisé pour évaluer la santé générale de l’économie.
Il combine les données de plusieurs indices PMI sectoriels, tels que l’indice PMI manufacturier et l’indice PMI des services, afin de fournir une mesure globale de l’activité économique.
L’indice PMI composite est calculé en agrégeant les données des indices sectoriels. Il est exprimé sous forme d’indice sur une échelle de 0 à 100.
Un niveau supérieur à 50 indique une expansion de l’activité économique, tandis qu’un niveau inférieur à 50 suggère une contraction de l’activité. Plus le chiffre s’éloigne de 50, plus l’expansion ou la contraction est marquée.
On pourrait se dire que ce chiffre est très subjectif et moins important que les données économiques brutes (comme le taux d’inflation ou de chômage par exemple).
Pourtant, cet indice est très largement suivi par les économistes, les analystes financiers et les investisseurs car il fournit des informations précieuses sur la tendance générale de l’économie. En particulier cette semaine, il était grandement attendu.
UN BON 180°
Car cette semaine ou il y a eu un très fort changement d’atmosphère dans les marchés, le chiffre du PMI était extrêmement attendu par les observateurs. En effet la semaine a été difficile avec une sentiment de fin de partie en Bourse où le CAC40 attaque une cinquième séance consécutive dans le rouge et cède désormais 3% depuis lundi matin.
C’est que le discours généralement admis d’une quasi-certitude que le pic d’inflation était atteint et que le pire était derrière nous a changé radicalement ces derniers jours.
Effectivement, l’optimisme revenait puisque depuis deux ou trois mois, les chiffres de l’inflation en Europe indiquaient une forte accalmie et les cycles de hausses des taux pouvaient être terminés. L’inflation dans la zone euro avait chuté d’un pic de 10,6 pour cent à 5,7 pour cent en juin.
Mais badaboum, en quelques jours, on retrouve le sentiment pérenne et lancinant que l’inflation n’est toujours pas vaincue et que la machine à hausse des taux allait encore chauffer.
En effet, cette semaine deux évènements ont changé le point de vue ambient.
Le premier est l’inflation en Grande-Bretagne qui continue à progresser et force la Bank of England à continuer à relever ses taux.
Nous l’avons maintes fois dit : la situation en Grande-Bretagne est très spécifique car nos « amis » anglais subissent encore et toujours la suite des effets du Brexit en particulier du fait de la rareté de la main d’œuvre et la hausse des salaires.
Hier, alors que tout le monde attendait une hausse de 0,25% la BOE a décidé de ne pas y aller avec le dos de la cuillère et de monter les taux de 0,5%.
OK, les prix ne veulent pas descendre en Angleterre, pourquoi pas !
Mais aux USA, on est reparti pour un tour.
Une déclaration du patron de la FED a mis le feu aux poudres. Powell a averti que les taux recommenceraient à monter après la pause du mois de juin. Et la Secrétaire au Trésor Yellen en a remis une tartine en déclarant que le risque de récession aux États-Unis s’éloignait, et que la consommation des ménages restait trop élevée pour permettre à l’inflation de reculer suffisamment.
Est-ce que nos banquiers centraux s’affolent pour rien ? Peut-être. Est-ce que cela fait mal à la croissance de l’économie ? Certainement ! Car nous le savons, les relèvements successifs des taux entrainent une économie toujours plus fragile.
Le PMI (le plus moche indice ?)
Et ce matin, la cabane est tombée sur le chien. Les chiffres du PMI annoncent que l’économie de la zone euro s’est fortement ralentie, indiquant que la période de croissance récente dans le secteur des services est en train de s’arrêter et que les pressions sur les prix s’atténuent.
Le PMI manufacturier est tombé à 50,3, son niveau le plus bas depuis cinq mois, selon les données publiées vendredi, contre 52,8 le mois précédent. Surtout ce chiffre est inférieur aux 52,5 prévus par les économistes.
On le sait, en se rapprochant de la barre des 50 on se rapproche de la ligne fatale qui sépare la contraction de l’expansion.
Ce résultat réduit les espoirs d’un rebond économique dans la zone euro et montre que les prévisions de la BCE étaient tout à fait trop optimistes. On se dirige clairement vers un nouveau trimestre faible, avec la possibilité de flirter à nouveau avec la récession.
Car la BCE avait prévu que le PIB de l’Union européenne augmenterait de 0,9 % cette année, malgré les baisses de 0,1 % enregistrées au cours des deux derniers trimestres. Cette prévision déjà largement considérée comme trop optimiste par les économistes a été maintenant rendue impossible par les données de ce matin et il est tout à fait certain que la prévision sera revue à la baisse en septembre.
Le ralentissement a été particulièrement marqué en France, où les niveaux d’activité des entreprises de services se sont contractés pour la première fois depuis le début de l’année.
Alors nous voilà devant un bon dilemme, le fameux dilemme des banquiers centraux qui doivent jouer avec les deux leviers de la croissance et de l’inflation.
Car nous ne devons pas oublier un des règles de base de l’économie : tout prend du temps ! L’impact des hausses de taux d’intérêt ne peut pas être immédiat et il faut tabler sur un effet moyen terme (18 mois / 2 ans ?) pour qu’elles se diffusent dans l’économie.
Est-ce que tout cela va pousser la BCE à être plus prudente quant à de nouvelles augmentations des taux d’intérêt au-delà de celle de juillet déjà signalée par Mme Lagarde comme étant “très probable”. Probablement. Est-ce que c’est une bonne chose ? Probablement aussi.
En tout cas les marchés tablent sur la prudence, les marchés pensant de fait que la BCE ne relèverait pas ses taux autant qu’ils le pensaient. Le rendement des obligations d’État allemandes à deux ans, a ce matin perdu 10 points de base et l’euro a perdu près de 1% par rapport au dollar, à 1,085 dollar après avoir dépassé le mur des 1,1000 en séance hier.