Fabrice Guez

UN TRAIN (D’INFLATION) PEUT EN CACHER UN AUTRE

Un monstre. Un poids lourd. Une brique. Un K .O technique.

On ne sait comment qualifier les chiffres qui sont sortis aujourd’hui des statistiques américaines. Ces chiffres ont fait l’effet d’une bombe à l’heure de sa parution hier à 14h30 heure de Paris.

Un petit rappel d’abord sur les données statistiques américaines:

Tous les premiers vendredis de chaque mois, la planète financière est suspendue à la parution du chiffre économique le plus important qui soit : les créations d’emplois du secteur non agricole américain ou en anglais les «Non Farm Payrolls ».

Cette mesure est effectuée par le Bureau of Labor Statistics (BLS), qui interroge les entités privées et gouvernementales de l’ensemble des États-Unis sur leurs effectifs. Le BLS communique alors le 1er vendredi à 8h30 heure de New York les chiffres de la masse salariale non agricole sur une base mensuelle par le biais du rapport extrêmement suivi.

Le chiffre mesure donc l’évolution du nombre de personnes employées au cours du mois précédent (à l’exclusion de l’industrie agricole donc).  Cette création d’emplois est le principal indicateur des dépenses de consommation, qui représentent la majorité de l’activité économique.

Le chiffre est donc le plus important pour l’analyse de la “situation de l’emploi”, puisqu’il contient de nombreux renseignements précieux sur la croissance de main-d’œuvre, ce qui a un impact direct sur l’économie ainsi que sur le marché boursier actions bien sûr mais également sur toute une série de données comme la valeur du dollar contre l’euro, le prix du baril de Pétrole, le rendement des bons du Trésor, etc.

Bien entendu avant la parution du chiffre, la planète économiste fait des estimations sur l’ampleur du chiffre. C’est surtout l’écart entre le vrai chiffre statistique et les estimations qui sera le véritable moteur de variations du marché.

Ainsi, un chiffre plus élevé que prévu peut être considéré comme positif pour le dollar et l’économie en général, tandis qu’un chiffre plus bas que prévu doit être considéré comme plutôt négatif.

Enfin, ça c’était avant !

Ce vendredi 3 février, les données officielles ont montré que les emplois non agricoles aux États-Unis ont augmenté massivement de 517 000 en janvier, alors que le consensus prévoyait une augmentation de 185 000. Loin d’être en baisse d’un mois sur l’autre, ce gain a plus que doublé par rapport à celui paru en décembre (260 000).

Il s’agit donc d’une bonne nouvelle pour l’économie américaine, non ?

 Ben, ce n’est pas si clair que ça en fait.

D’abord analysons ce chiffre.

Les offres d’emploi ont donc augmenté en janvier, atteignant leur plus haut niveau depuis juillet. 517 000 créations d’emploi donc, un chiffre qui a pris les marchés totalement au dépourvu.

Dans un premier temps, cela suggère que, malgré les licenciements annoncés dans le secteur technologique, les entreprises cherchent toujours à embaucher. Ou tout simplement que l’effet de ces licenciements n’est pas encore visible dans les chiffres et du coup le chiffre de Mars sera à analyser très minutieusement.

Dans un second temps, une chose inquiétante vient de l’indice du coût de l’emploi – qui mesure l’évolution du coût total de la rémunération des entreprises. Il s’est maintenu à un niveau annuel de 5,1 % au quatrième trimestre, ce qui reste bien supérieur à l’objectif de croissance des salaires nominaux de 3,5 % fixé par la Fed. C’est donc évidemment créateur d’inflation tant pour les prix à la production que pour les prix à la consommation.

Enfin, le taux de chômage s’est établi à 3,4% (le consensus prévoyait un chiffre de 3,6%) contre 3,5% en décembre. Et le salaire horaire moyen a quant à lui augmenté de 0,3 % sur le mois.

Ces données peuvent donc être déstabilisantes pour les traders et les investisseurs qui espéraient de nouvelles indications qui iraient vers un assouplissement du marché du travail américain, ce qui pourrait permettre à la Fed de modérer ses hausses de taux.

Bien que l’on peut rester optimiste pour une pause du cycle de hausse des taux, d’aucuns pourraient y voir une autre interprétation que celui du consensus d’une seule et dernière hausse finale supplémentaire de 0,25 %.

Le FOMC qui a en charge de décider des hausses de taux a pris soin de s’exprimer de façon assez dure lors de son relèvement de 0,25 % cette semaine, et si certains continuent de voir un assouplissement de la position monétaire, le chiffre d’aujourd’hui peut nous montrer qu’il nous reste un long chemin à parcourir avant que la Fed ne puisse se sentir à l’aise avec l’état du marché du travail.

Le dollar lui ne s’y est pas trompé.

Le marché qui avait vu l’euro jeudi matin passer au-dessus de 1,10 dollars pour la première fois depuis 9 mois a vu l’euro perdre près de deux points par rapport au dollar après la parution de ce chiffre.

Le dollar index qui mesure la force du dollar par rapport à toutes les devises est lui monté de 1% à près de 103 ; sa hausse la plus importante depuis le début 2023 et un indice qui reprend par la même tout le chemin perdu depuis le 6 janvier.

La fin (programmée) du règne du roi dollar n’est peut-être pas encre arrivée ! 

RAPPEL AUX TROUPES :

 La prochaine conférence FIS aura lieu le 9 mars 2023 à 13h00 et aura pour thème « CE QUI ATTEND L’EUROPE EN 2023 ».

 Nous vous y attendons très nombreux (en distanciel bien sûr !).